#2- Rencontre avec Paul Guerrieri, Corporate M&A chez GEODIS

Paul Guerrieri était Vice-Président lors de son mandat à ESSEC Solutions Entreprises en 2016.

Après son expérience en tant que chef de projet au sein du cabinet de conseil, il a notamment pu travailler en tant qu’analyste M&A chez Barclays. Il est aujourd’hui chez GEODIS, un des leaders mondiaux du transport et de la logistique.

Pour commencer, quel a été ton parcours depuis ESE (stages, CDIs, poste actuel) ?

À la suite de mon expérience à ESE, j’ai fait la chaire Accenture Strategic Business Analytics puis un double diplôme avec l’université de Mannheim pour me spécialiser en finance d’entreprise, avant de terminer mes études par 2 stages de 6 mois : le premier dans l’équipe “Coverage and International Network” chez Crédit Agricole CIB à Francfort, et le second dans l’équipe M&A (fusions et acquisitions) chez Barclays à Paris.

J’ai ensuite travaillé trois ans en tant qu’analyste M&A chez Barclays à Paris où j’ai été amené à travailler sur tout type de situation (achat, vente, financement d’acquisition, refinancement d’entreprises, etc.) et sur tout type de secteur (en particulier santé, business services, FIG, industriel, etc.).

Aujourd’hui, je travaille chez GEODIS, un des leaders mondiaux du transport et de la logistique, en tant que chargé de projet dans l’équipe de Corporate Development / Corporate M&A. C’est une petite équipe de 4 personnes en charge des acquisitions pour le groupe dans l’ensemble de ses géographies et activités. Il s’agit à la fois d’animer la stratégie de croissance externe du groupe, de renforcement de ses activités, de comprendre les marchés où GEODIS opère, les besoins de chaque division du groupe  et de gérer les projets d’acquisitions et ensuite de faire le suivi des intégrations, s’assurer de la bonne réalisation des objectifs et des synergies.

Son expérience à GEODIS

Quel est le rôle de GEODIS sur le marché du transport et de la logistique ?

GEODIS est un leader mondial du transport et de la logistique. Fort de ses cinq métiers (Supply Chain Optimization, Freight Forwarding, Logistique Contractuelle, Distribution & Express et Road Transport) et d’un réseau mondial couvrant près de 170 pays, GEODIS se classe au premier rang en France et au septième rang mondial de son secteur.

Le groupe est extrêmement diversifié et très fragmenté, avec de nombreux marchés de niche et de  profondes mutations en cours. GEODIS soutient ses clients dans la gestion de leurs chaînes d’approvisionnement tout en limitant son impact sur l’environnement. Le groupe a récemment signé un partenariat avec la start-up nantaise Zéphyr & Borée qui construit des navires cargos à voile permettant l’acheminement de conteneurs sur les routes transatlantiques. Ce projet innovant sera proposé aux clients pour les accompagner dans leur performance durable. 

En quoi le département M&A et la stratégie d’acquisition de GEODIS sont-ils clés dans la stratégie de développement du groupe ?

Le département M&A et cette stratégie jouent un rôle très important pour la réalisation des ambitions de GEODIS. Il contribue au renforcement des activités de transport et logistique dans les zones géographiques stratégiques pour le groupe. GEODIS a fait un certain nombre d’opérations depuis 2015. Le rachat de la société de logistique américaine OHL a positionné le Groupe aux Etats-Unis sur la gestion d’entrepôts, de stocks et de commandes pour le compte de tiers (3PL), en particulier sur le e-commerce. Ensuite, nous avons racheté en 2021 une société de distribution de palettes en Pologne, Pekaes, qui place GEODIS comme l’un des premiers opérateurs de transport intercontinental et domestique du pays. La Pologne est devenue un pays cœur, dans lequel GEODIS a très largement investi.

GEODIS a poursuivi sa croissance externe avec des acquisitions en France pour renforcer ses capacités sur la distribution sous température dirigée avec GANDON Transports, spécialisé dans le secteur pharmaceutique, et sur la distribution de palettes avec Transports Perrier. En 2022, nous avons fait l’acquisition de Keppel Logistics qui dispose de capacités d’entreposage à Singapour, où l’immobilier logistique est un actif fondamental afin de traiter les commandes, les stocks et le transport pour nos clients.

GEODIS a annoncé l’été dernier une nouvelle acquisition aux Etats-Unis avec Need It Now Delivers. C’est une société de transport domestique qui va nous permettre de proposer un réseau de fret de bout en bout depuis l’Europe et l’Asie vers les Etats-Unis. Nous pourrons ainsi intégrer le fret intercontinental directement dans notre propre réseau domestique américains. 

Qu’apportera l’acquisition trans-o-flex à GEODIS ?

Nous avons annoncé en décembre 2022 le projet d’acquisition de trans-o-flex en vue de développer notre réseau de fret intégré en Allemagne. Trans-o-flex est un acteur de référence dans le secteur du transport express premium en Allemagne, spécialisé dans le transport sous température contrôlée de produits pharmaceutiques. Ce groupe logistique est également un expert de la livraison express de  marchandises dans les secteurs des cosmétiques et des technologies de pointe. Avec cette acquisition, GEODIS se positionnera parmi les acteurs reconnus sur le marché de la santé et deviendra un logisticien incontournable en Allemagne, pays au centre du commerce international. Elle permettra également à GEODIS de s’implanter en Autriche.

Pour en savoir plus sur l’actualité GEODIS : https://geodis.com/fr/newsroom/newsroom.

Comment appréhender son début de carrière en M&A ?

Quels ont été les enseignements tirés de ton expérience en M&A à Barclays ?

Ce fut une expérience extrêmement enrichissante à de très nombreux égards qui m’a énormément apporté, tant au niveau des compétences techniques (analyses financières, supports de présentation, savoir faire des recherches, comprendre un marché/une entreprise) que des “soft skills” (compréhension de la finance d’entreprise et de la banque d’affaire, gestion de projet, animer une  équipe, participer à la vie d’une équipe de plusieurs dizaines de personnes, gestion du recrutement,  etc.).

Si je devais donner les deux enseignements les plus importants que j’en retire, ce serait :

  • L’importance fondamentale de choisir une équipe dans laquelle on se sent bien, qui a à cœur le développement et le bien-être de ses membres. En M&A, on est amené à faire de très gros horaires, avec un fort niveau d’exigence et une très forte imprédictibilité de son agenda (par  exemple, un nouveau projet peut tout à fait tomber un vendredi soir avec les rendus attendus  pour le lundi matin faisant qu’on doit y passer tout le weekend alors qu’on pensait être “off” ce  weekend-là). C’est le deal, on sait dans quoi on s’engage, et ces sacrifices viennent avec d’importants avantages en contrepartie (forte exposition /responsabilisation, courbe d’apprentissage très rapide, et effectivement une rémunération très intéressante). Mais, à mon sens, ce qui importe vraiment, c’est d’être dans une équipe où l’on se sent bien, où on a le sentiment d’être considéré/écouté, d’avoir son mot à dire ! Je n’aurais pas pu faire les sacrifices  attendus en M&A dans une équipe où tel n’aurait pas été le cas, où il n’y aurait pas eu ce côté “humain” qu’il y avait dans mon équipe chez Barclays à Paris. Typiquement, pour garder le  moral et l’entrain à 2 ou 3 heures du matin, mieux vaut être avec des collègues avec qui on peut rire et avec qui on se soutient !! Et une ambiance d’équipe c’est quelque chose de très fragile, qui demande à être entretenu et qu’on ne peut vraiment évaluer que de l’intérieur…
  • Le principal est l’attitude : être curieux, être persévérant, être pro-actif, s’impliquer sur tous les aspects des activités de l’équipe (tant sur les missions que sur la vie du bureau), avoir la volonté d’apprendre, de s’améliorer et savoir oser tout en sachant écouter ! En effet, en sortant d’école, concrètement, on ne sait pas grand-chose. Ce que nous apporte les classes préparatoires et ensuite l’ESSEC, c’est avant tout une capacité à bien réfléchir, à savoir travailler, à s’adapter, à  interagir avec les autres, ainsi que – et c’est très important – à savoir oser ! On est confronté à  de nombreuses situations que l’on ne connait pas, que l’on ne maîtrise pas, mais c’est normal ; les connaissances pratiques viennent surtout avec l’expérience. Comme on dit, c’est en forgeant que l’on devient forgeron. Et pour forger, il faut oser essayer et avoir la bonne attitude, être curieux, confiant dans ses capacités mais également humble face à son manque  d’expérience, au fait que l’on a tout à apprendre.

On notera que ces deux enseignements sont des choses qui sont au cœur de l’aventure ESE. 

As-tu une anecdote à nous partager sur cette expérience ?

Je vais à dessein en choisir une qui n’est pas directement lié à ce que je faisais en tant qu’analyste M&A, mais plutôt lié à l’animation de la vie du bureau, de l’équipe.

Avec un de mes collègues, on a constaté que Barclays était en retard sur les autres banques d’affaires ou boutiques prestigieuses sur les événements à destination des étudiants. Il y avait certes des initiatives au niveau du siège à Londres ou quelques initiatives personnelles de seniors de l’équipe (qui donnaient par exemple des cours dans certains établissements du supérieur), mais rien d’institutionnalisé au niveau du bureau de Paris, réduisant notre activité par rapport à d’autres. A cela s’ajoute le fait que le monde du M&A attire trop peu de profils féminins… Ainsi, nous avons eu pour projet d’organiser au printemps 2022 deux portes-ouvertes (dont une spécialement dédiée aux étudiantes) dans nos locaux. Pour cela il a fallu créer et gérer le projet de bout-en-bout, que ce soit l’obtention du financement, la promotion de l’événement auprès des écoles-cibles, le recrutement des participants, ou encore l’organisation logistique des soirées, cela en plus de nos missions plus usuelles.

C’était un très beau défi, qui nous a demandé beaucoup de persévérance (il n’est pas toujours simple de vouloir faire changer les choses, de lancer une initiative qui sort de ce que fait habituellement un groupe) qui a réuni plus de 30 étudiantes et étudiants lors de chaque soirée, avec des retours unanimement positifs tant en interne qu’en externe. On a vraiment eu l’impression d’apporter quelque chose et que notre pro-activité sur le sujet a payé !

Tout changement demande de la persévérance, une animation constante en interne, des sponsors qui y consacrent leur temps et leur énergie, sans savoir si la réussite sera au bout. 

En quoi le M&A corporate diffère-t-il du M&A en banque d’affaires ? Quelles sont les spécificités de ton nouveau rôle par rapport à ton expérience précédente ?

C’est à la fois similaire et très différent. Similaire car l’idée derrière est la même : réaliser des opérations d’acquisitions (ou de cessions), ce qui veut dire comprendre l’entreprise ciblée, comprendre ses marchés, faire des analyses financières et des travaux de valorisation, animer le projet… Mais c’est aussi très différent car en M&A corporate, on est le client, le décideur sur le projet et celui qui ultimement profitera du succès de l’opération ou au contraire subira les effets d’un échec (une mauvaise acquisition  qui viendrait détruire de la valeur et casser la machine peut avoir des répercussions catastrophiques pour un groupe), alors qu’en M&A en banque d’affaires, on fait du conseil, à la fin les conséquences  d’une opération de M&A (positives ou négatives) ce n’est pas la banque d’affaires qui les subit (au-delà de percevoir ou non des “fees” évidemment) tout comme ce n’est pas la banque d’affaires qui est décisionnaire.

D’après mon expérience, nous sommes beaucoup plus responsabilisés en M&A corporate. Nous  sommes en quelque sorte le chef d’orchestre du projet d’acquisition – c’est à nous d’animer, de coordonner, de s’assurer que rien n’est oublié -, présent dans les discussions au plus haut niveau et c’est très stimulant ! Chez GEODIS, je suis ainsi directement exposé au Comité Exécutif d’un groupe de près de 50 000 personnes et si je commets une erreur, les répercussions peuvent être lourdes…

Alors qu’en banque d’affaires (ou en boutique), c’est beaucoup plus hiérarchisé, et c’est les Managing Directors qui portent la responsabilité de donner les bons conseils et de la relation commerciale avec leur client (il faut environ une quinzaine d’années pour devenir Managing Director en banque d’affaires).

Mais attention, les situations sont très variables d’une équipe à une autre. Ainsi, chez Barclays Paris j’y ai fortement apprécié que même au niveau de stagiaire ou d’analyste, j’avais un niveau d’exposition qui ne se retrouve dans d’autres structures plus hiérarchiques qu’à des grades bien plus élevés (les structures où il est courant que les MDs demandent leur opinion à un analyste sont rares !, alors que dans mon équipe c’était courant). De même pour le corporate M&A, certaines équipes sont beaucoup plus hiérarchisées (même si c’est beaucoup plus rare car les équipes de corporate M&A ont tendance  à être petites, généralement entre 3 à 8 personnes je dirais). 

Quels seraient tes conseils pour réussir son début de carrière dans le M&A ?

De bien préparer son parcours et ses entretiens, savoir dans quoi on s’engage. Ainsi, je recommande fortement :

  • De faire un ou deux stages de 6 mois (le premier en milieu de parcours idéalement) en corporate finance (M&A, Private Equity ou encore Transaction Services principalement) dont au moins un en M&A dans une boutique connue ou une banque d’affaires du style “bulge bracket” (dont Barclays fait partie) ou française de premier plan (BNP CIB, CACIB, SG CIB). Il faut tester pour voir si c’est un milieu dans lequel on se sent de commencer sa carrière !
  • D’avoir un minimum de bases techniques en corporate finance pour les entretiens (par exemple maîtriser le “The 400 Investment Banking Interview Q&A You Need to Know” est parfait) ;
  • De bien faire sa “due diligence” de l’ambiance de travail de l’équipe que l’on rejoint – le fit est à  mon sens le plus important ! – ;
  • D’oser tenter l’aventure et de ne pas trop se poser de questions sur où l’on sera dans X années, car cela viendra bien assez vite de soi-même – ce sera toujours une expérience fortement enrichissante, valorisable et valorisée, donc toujours un atout quelque soit la direction que prendra sa carrière par la suite – ;
  • Et enfin, de commencer par faire du M&A en banque d’affaires ou boutique avant de penser à rejoindre une équipe de Corporate M&A (les équipes de Corporate M&A recherchent des gens ayant déjà de l’expérience, qui sont autonomes).

Quel est ton projet professionnel à long terme ?

Seul l’avenir le dira ! Plus sérieusement, je viens de rejoindre l’équipe corporate M&A de GEODIS et y suis très heureux et y travaille sur de très beaux sujets. Ainsi, mon objectif est de poursuivre dans l’équipe à court et moyen terme afin d’y parfaire ma connaissance du groupe, de ses activités, du secteur, capitaliser sur l’incroyable exposition que j’ai. Et ensuite ? on verra, mais probablement d’évoluer sur des fonctions plus opérationnelles au sein du groupe. 

ESE dans tout ça ?

Qu'est-ce que ton expérience à ESE t’a apporté ?

De très nombreuses choses ! Ce fut une expérience fondamentalement structurante pour mes débuts professionnels, m’apprendre à gérer des projets et une structure, développer la bonne attitude (pro activité, curiosité, sens des responsabilités, rigueur, etc.), mon autonomie professionnelle et apprendre à composer avec une équipe, se soutenir les uns les autres. Au-delà du côté professionnalisant, cela m’a également apporté un groupe d’amis très proches sur lequel je sais toujours pouvoir compter en cas de besoin et que j’ai plaisir à retrouver même 5 ans après. C’est une expérience que je ne peux que recommander à tous. 

As-tu une anecdote de ton bureau à nous partager ?

Confidentiel, les dossiers se savourent en privé ! Mais beaucoup de délires ensembles et d’entraide, le tout épicé de débats parfois mouvementés sur la direction stratégique à donner à l’association, sur la manière de gérer telles ou telles situations ou encore de manière plus prosaïque sur qui recruter dans l’asso.

Quels conseils donnerais-tu aux futures générations ?

De garder ce qui fait la force d’ESE, à savoir entraide, solidarité, dynamisme, capacité à prendre des risques, envie de toujours s’améliorer, d’innover, sans oublier les leçons du passé (je pense ici particulièrement à la rigueur à avoir sur les sujets administratifs, sur tous ces sujets annexes aux  missions qui prennent du temps mais qui sont aussi les fondations de l’association). 

J’ajouterai aussi qu’il est important de bien prévoir son parcours à l’ESSEC, d’oser contacter des professionnels et des alumnis pour préparer son parcours et l’après-ESE.

Que l’on souhaite derrière créer sa propre entreprise, rejoindre une start-up, une PME/ETI ou un grand groupe,  ESE sera toujours une expérience extrêmement enrichissante.

Nous remercions Paul Guerrieri pour ce moment d’échange privilégié