Conseil et Développement durable : deux mondes parallèles ?

Le développement durable a depuis peu le vent en poupe dans les cabinets de conseil en stratégie dont la bonne réputation, avouons-le, n’a pas toujours été au beau fixe. Ceux-ci s’approprient en effet le célèbre adage de la réconciliation des enjeux sociaux et environnementaux avec la performance de l’entreprise.
Il existe au moins deux raisons pour lesquelles le conseil et le développement durable s’attirent irrésistiblement. Primo, le développement durable est devenu une stratégie à part entière dans la pérennité de l’entreprise, d’où le recours à des consultants en stratégie durable. Deuxio, le contexte gouvernemental international, marqué par les accords de l’Agenda21 et surtout la COP21, induit un contrôle renforcé du respect des normes environnementales, d’où le recours croissant à des audits effectués sur toute la chaîne de valeur et sur les méthodes de management du personnel.
C’est donc principalement au niveau des achats et de la stratégie RSE des entreprises que les cabinets de conseil interviennent. Les plus grands s’emparent du sujet et y trouvent même un nouveau terrain de compétition : McKinsey & Company a officiellement fait du développement durable sa huitième compétence, qui implique désormais plus d’une centaine de ses collaborateurs, AT Kearney devient en 2010 le premier cabinet à empreinte carbone nulle, et une multitude de cabinets s’ouvrent aux sessions « Pro Bono » ou « pour le bien public ».
L’efficacité du conseil en stratégie durable est-elle toutefois uniquement imputable à l’activité de ces grands cabinets ? On la devrait beaucoup plus à la prolifération de cabinets qui se spécialisent en la matière. À en croire les mots de Catherine Ronge, fondatrice du cabinet spécialisé en développement durable Weave, « le conseil en développement durable reste un marché de spécialistes ». Les gros cabinets, malgré leurs efforts pour s’inscrire dans la tendance du “sustainable”, n’ont ni le « bon langage » ni les « ressources humaines, les méthodes d’innovation et la créativité » nécessaires pour traiter ce sujet diffus et complexe. Weave, AK2C, Utopies ou encore Nomadéïs, sont autant et plus d’exemples de jeunes cabinets qui ont choisi pour cœur d’activité les questions de la prise en compte des interactions des entreprises avec leurs écosystèmes et les enjeux d’intégration des problématiques sociales et environnementales dans la stratégie globale de ces entreprises.
Mais sur quels outils et procédés d’analyse s’appuient-ils exactement pour accompagner les entreprises sur cette voie durable ? Le cabinet de conseil en stratégie de développement durable Utopies, fondé par une diplômée d’HEC, Elisabeth Laville, est à l’origine d’un outil innovant nommé « Local Footprint ». Celui-ci devient alors le support de l’étude d’impact menée en 2016 en région parisienne par Campus Responsable et soutenue entre autres par l’ESSEC Business School, l’agglomération de Cergy-Pontoise et l’Université de Cergy-Pontoise. En examinant les flux injectés directement par les campus dans l’économie (achats, dépenses diverses, salaires, taxes et impôts versés, etc), il s’agit alors de simuler leurs retombées socio- économiques et environnementales sur le territoire. En plus de cette table « input-output », le fonctionnement de Local Footprint repose sur de solides bases économiques telles que la Matrice Inverse de Leontief, Prix Nobel d’économie 1973, et est entièrement certifié par l’OCDE.
Face aux limites posées par l’utilisation d’un indicateur unique et imperméable aux évolutions dues à l’écoulement du temps, d’autres outils sont (heureusement) expérimentés par les cabinets spécialisés. En voici une liste non exhaustive : l’offre de AK2C se présente sous le jour de multiples outils, notamment son Analyse du Cycle de Vie qui détaille les flux entrants et sortants, le Social Return on Investment qui permet de monétiser les contributions et les retombées sociales, ainsi que l’Analyse de Matérialité qui permet d’évaluer la portée d’un enjeu à partir de “seuils” de pertinence pour l’entreprise et ses parties prenantes.
Reste à juger des efforts réellement pratiqués par les entreprises à la suite de ces évaluations.